Ruth Benedict, née Fulton (
6 juin 1887,
New York,
États-Unis –
17 septembre 1948, id.) est une
anthropologue,
Biographe et
poétesse américaine.
Élève du "père de l'anthropologie américaine", Franz Boas, dont elle partagea les visions égalitaristes sur l'anthropologie, et compagne d'études (puis collègue) de Margaret Mead et Marvin Opler.
Son ouvrage Patterns of Culture (1934) figura pendant plusieurs années au programme d'études d'anthropologie des universités américaines et fut traduit en quatorze langues. Elle y pose les bases d'un Relativisme culturel dans la conception notamment de la moralité chez les différentes civilisations.
Son nom se distingue dans un courant créé par Franz Boas qui s'appelle le culturalisme. Il ne fait d'ailleurs aucun doute pour elle que les phénomènes culturels sont collectifs, et que l'usage que des individus peuvent faire des formes pour améliorer leur position dans la hiérarchie sociale , ou encore la manière dont les formes culturelles peuvent servir à identifier et distinguer des groupes, et donc des appartenances des individus à certaines collectivités. Dans ce courant, le problème des fonctions sociales y est relativement indifférent: ce qui intéresse les culturalistes, c'est plutôt la diversité des normes et des valeurs que peuvent choisir les sociétés, et les mécanismes par lesquels ces valeurs deviennent celles des individus eux-mêmes. La science de la culture devient une science de la morale, c'est-à-dire des expériences morales. La thèse de Ruth Benedict, que l'on peut tenir pour avoir ouvert le champ des recherches du "culturalisme", est que la systématisation culturelle est orientée vers la production d'une certaine tendance psychologique fondamentale, qui est le véritable lieu d'unification de cette culture. Une particularité culturelle (tel rite de mariage, telle attitude face à la guerre ou à la mort, etc.) est donc à la fois un produit et un facteur de consolidation de ce que Ruth Benedict proposait d'appeler un "Pattern of Culture": " Une civilisation comme un individu représente un modèle plus ou moins net de pensées et d'actions. Dans chaque culture, on trouve des buts d'action caractéristiques qui ne sont forcément pas les mêmes dans d'autres types de société. En accord avec ces buts, chaque peuple ne cesse de consolider son expérience, et selon que cette manière de voir exerce une pression plus ou moins forte, les détails hétérogènes de la manière de vivre revêtent une forme plus ou moins adaptées à celle-ci. Adoptés par une culture bien établie, les actes les plus saugrenus reflètent les caractéristiques de ses buts particuliers, en subissant parfois d'incroyables métamorphoses. La forme que prennent ces actes, nous ne pouvons la comprendre qu'en comprenant d'abord les mobiles sentimentaux et intellectuels de cette société." Echantillons de civilisation, Gallimard, 1950, p.57-58. Les cultures s'empruntent certes des traits particuliers les unes aux autres, mais l'intégration de ces particularités dans des ensembles les modofient profondément. Il ne faut pas croire que le culturalisme implique forcément de ne considérer les cultures que comme des entités fermées: au contraire, il fut porté par un intérêt croissant au phénomènes inter-culturels, dans lesquels on voit que l'importation d'un trait culturel ne se fait pas dans n'importe quelle condition, que les cultures "receveuses" ne reçoivent pas n'importe quoi, et qu'elles l'adaptent souvent en modifiant l'usage qu'elles importent - bref qu'il y a des règles formelles permettant de décrire la constitution et la déconstruction des cultures. Ainsi, comprendre une culture pour Ruth Benedict, et cela à la fois dans son état présent et dans ses relations avec dynamiques avec les autres cultures, c'est comprendre son caractère moral singulier, la direction psychologique propre du système de valeurs qu'elle incarne.
Les problèmes posés par Ruth Benedict ouvrirent un champ de recherches et de discussion très fertile. Ces discussions portèrent essentiellement sur trois points: premièrement, ne méconnaît-on pas les fonctions proprement sociales des faits culturels, lorsque l'on se contente de les caractériser par une tendance psychologique fondamentale, et n'est-on pas dupe des mécanismes par lesquels les cultures elles-mêmes masquent les stratégies de domination d'un individu ou d'un groupe sur un autre, l'importance de la stratégie et de la diversité des statuts? Deuxièmement, n'insiste-t-on pas trop sur la cohérence et l'unité des cultures, alors que les cas les plus fréquents sont en réalité ceux de la rencontre interculturelle, ou, bien souvent, de la juxtaposition, chez un même individu, de plusieurs cultures, en particulier dans des sociétés comme les nôtres? De même, n'obscurcit-on pas les mécanismes internes qui font qu'une culture ne cesse de se transformer c'est-à-dire d'avoir une histoire? Mais une troisième question est plus embarrassante: n'accorde-t-on pas finalement beaucoup trop à la psychologie, en définissant un fait collectif finalement par une tendance psychologique érigée en norme de comportement et de sensibilité? Car en fin de compte, Ruth Benedict explique l'expérience de l'obligation par le fait qu'une culture ne consiste en rien d'autre qu'en une sélection d'une tendance psychologique qui devient organisatrice de l'ensemble de la vie collective: aussi ne peut-on en effet s'étonner que les individus se sentent fortement attachés à leur propre culture, qu'ils la vivent dans leur coeur, puisqu'une culture n'est rien d'autre qu'une forme typique de vie psychique, qu'un modèle de subjectivation... Mais cela ne signifie-t-il pas que les contraintes propres aux phénomènes culturels, l'idée même qu'il puisse y avoir au niveau d'explication et de causalité qui soit proprement culturel (ainsi que tel rite ou tel mythe ou telle coutume vestimentaire ne puisse être adoptée par un groupe sans être transformée ou sans être fonctionnel à certains égards) doit se dissoudre dans un appel à une psychologie de la culture?
De fait le culturalisme américain a débouché sur une collaboration entre psychanalyse et anthropologie.
Le Chrysanthème et le sabre
Benedict est connue non seulement pour
Patterns of Culture mais aussi pour
Le Chrysanthème et le sabre, son étude de la société et de la culture
Japonaise qu'elle publia en
1946, suite à ses recherches lors de la guerre américano-japonaise.
Ce livre est une oeuvre d'anthropologie à distance. Benedict, dans l'incapacité de se rendre sur place, a étudié la culture japonaise à travers sa littérature, des articles de presse, films, reportages, etc. L'étude avait pour objectif de déterminer quels éléments culturels pouvaient contribuer à l'agressivité supposée des Japonais et de détecter les éventuelles faiblesses de la société japonaise.
Benedict joua un rôle majeur dans la remise en valeur de l'Empereur du Japon dans la culture populaire japonaise, et elle recommanda au Président Franklin D. Roosevelt qu'il autorise la continuation du règne de l'empereur si celle-ci était demandée lors d'une offre de reddition des Japonais.
Le livre est toujours considéré comme un classique aujourd'hui malgré les changements importants survenus dans la culture japonaise depuis l'après-guerre.
Anecdotes
- Elle a parfois écrit sous le Pseudonyme d'Anne Singleton.
Voir aussi
- Honte : éléments de classification des cultures par Ruth Benedict selon le principe de honte, de culpabilité.
- Relativisme culturel
Lien externe